Avis d'un « retailer » marocain sur les franchiseurs étrangers

Un directeur d'un réseau de détail au Maroc a accepté de nous faire part de son analyse. Son avis est particulièrement intéressant.

Avis d'un « retailer » marocain sur les franchiseurs étrangers

AfriqueFranchise.com: On entend parfois certains commerçants, politiques ou journalistes se plaindre de la concurrence des franchises ou filiales étrangères et pourtant elles n'ouvrent souvent que quelques unités. Qu'en pensez-vous ?

Réponse: « Si les grandes enseignes internationales n'ouvrent que quelques unités dans les grandes villes, à l'exception des fast-foods entre autres, c'est souvent parce qu'elles ne souhaitent pas faire les efforts de gamme et de sourcing nécessaires pour une implantation plus large. Elles se situent en haut de gamme sur le marché marocain alors que sur leur marché domestique elles sont souvent en milieu de gamme. Le pouvoir d'achat est plus bas au Maroc qu'en Europe ou aux USA. 

Quand les enseignes européennes ou américaines s'implantent en Afrique, elles devraient réaliser des adaptations, sinon elles ne parviendront pas à toucher un large public mais c'est peut-être leur choix pour faciliter la gestion de
leur approvisionnement. Elles ne visent peut-être que les clientèles qu'elles savent déjà satisfaire dans d'autres pays. Je n'en suis pas certain. Après tout l'essentiel est que leurs unités soient rentables et si elles n'ont pas besoin d'être leader en volume sur le marché, c'est "tant mieux".

Si les enseignes marocaines (idem ailleurs en Afrique, je suppose) parviennent à ouvrir plus de magasins, c'est parce que leur gamme et donc leur approvisionnement, sont plus adaptés à leur marché, souhaitons que ce soit grâce à des producteurs marocains plutôt qu'à des importations asiatiques ce qui est hélas encore trop fréquent.

Le Maroc a besoin d'un commerce structuré et « déclaré » plutôt que d'un commerce informel qui ne paie ni impôts ni charges sociales et c'est certainement le cas ailleurs en Afrique. De nombreux petits commerces auraient intérêt à rejoindre un franchiseur ou à se grouper en coopératives. Tout le monde y gagnerait, du consommateur à l'état et bien entendu les commerçants eux-mêmes qui auront plus de force pour négocier avec les fournisseurs et améliorer leurs méthodes et leurs outils d'où à la fois plus de marges et des prix plus bas pour le client.

Je ne devrais peut-être pas le dire mais les franchises étrangères forment leurs concurrents marocains car ils forment leurs franchisés et indirectement les collaborateurs des franchisés. Certains de leurs salariés les ont quitté pour nous rejoindre et cela nous a aidé. A notre tour il arrive que nos employés bien formés partent à la
concurrence. Cela nous chagrine, certes, mais c'est l'ensemble du commerce marocain qui est gagnant dans ces mouvements.
 
Les retailers occidentaux ont mis longtemps à élaborer leur savoir-faire et à bien le faire appliquer. Nous aussi avons besoin de temps pour cela mais si nous observons bien ce qui a été fait dans les pays où la franchise est bien développée, nous irons plus vite.

Et pour observer les bonnes pratiques, nous avons la chance d'avoir beaucoup de jeunes qui ont été formés en France comme moi, entre autres pays, sans parler de ces jeunes qui commencent leur carrière au Maroc dans les enseignes étrangères puis viennent chez nous. »

Propos d'un directeur marocain désireux de rester anonyme recueillis par téléphone et synthétisés par J. Samper en avril 2024.

Jean Samper
Frankey International

Standard +33 (0)6 21 76 23 23